Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

inquiétude. Juliette, cependant, ne me quittait point du regard, un regard où je pressentais quelque obscure ironie pailletée de pitié. Mon embarras s’accrut. Je détournai les yeux.

— Tu sais, il est toujours temps.

— Que veux-tu dire ?

— Je veux dire que tu peux me lâcher, t’en retourner. Qui sait ? Après, il sera peut-être trop tard.

— Tu es folle !

Elle venait d’éclater d’un rire aigu et ses mains se crispaient sur mon épaule. J’eus une seconde, oh ! rapide, d’émotion. Puis je la repoussai, maussade, furieux de ma faiblesse.

— En voilà des sottises !

Un silence. Juliette, songeuse, regardait vers la mer, loin devant elle. Je questionnai :

— Ton oncle ? Tu es sûre de son accueil ?

Elle eut un tressaillement, me jeta un œil de côté :

— Tranquillise-toi. Il t’attend.

Si j’affirmais aujourd’hui que la façon dont elle prononça ce « Il t’attend » me fit courir un petit froid dans le dos, on pourrait penser et je penserai tout le premier que j’étais alors victime d’une étrange illusion. Il est très vrai pourtant que je me sentais mal à mon aise. Juliette dut s’en apercevoir, car sa main chercha la mienne, la pressa légèrement. Je souris. Elle se pencha tout à coup :

— Embrasse-moi.

— Mais c’est fou ! on nous voit.

— Je m’en moque. Je t’aime. Donne-moi tes lèvres.