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— Qui sait !

Je me retourne brusquement. Devant moi s’érige la haute silhouette du professeur Néer, l’un des Douze. Son visage est grave. Un sourire narquois erre sur ses lèvres, sous l’ombre des courtes moustaches blondes, et, dans ses yeux froids, je discerne une imperceptible nuance de raillerie.

Quand je parle du visage du professeur, je veux dire sa projection. Je sais parfaitement que Néer se trouve à quelques cent mille mètres d’ici, dans son laboratoire, construit sur un pic d’où il domine, comme une citadelle, toute la vallée limousine. Il s’y tient, impénétrable et souverainement égoïste, parmi ses serviteurs et ses enfants, tel un féodal d’autrefois.

Mais, tout en le sachant là-bas, je le vois s’installer, en même temps, dans mon cabinet, debout, les bras croisés sur sa vaste poitrine, avec sa physionomie sévère. C’est bien sa voix que j’entends ; ce sont bien ses yeux d’un gris glacé où passent, parfois, de rapides lueurs, qui se posent sur moi. Cependant, si je m’avisais de lui tendre la main et de saisir la sienne, je ne rencontrerais rien… rien que le vide. Et il est là à deux pas de moi. Et il parle. Et que le Mystère me pardonne, lui qui ne rit jamais, jamais, le voici qui ricane.

Ah ! n’allez pas surtout rêvasser à quelque abracadabrante manifestation de spiritisme, de dédoublement, de corps astral, d’envol de per-esprit. Ce sont là amusettes enfantines, d’un autre âge, du temps où nous étions vieux. Si Néer se dresse dans cette pièce,