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d’août était délicieuse. Une petite pluie, la veille, avait dissipé la poussière des routes et atténué la chaleur. La mer, sur notre droite, luisait comme une plaque de fer blanc. Je me souviens très nettement que nous nous arrêtâmes à Villers, à la terrasse d’un hôtel. Juliette avait soif. Nous demeurâmes là, près d’une demi-heure, face à la jetée silencieuse, buvant le spectacle de l’horizon brumeux, un horizon à la courbe indécise et d’une perspective si plate ! Pour des yeux, habitués comme les miens aux infinis bleutés des paysages méditerranéens, les eaux normandes procuraient l’effet d’une mer en miniature sous un ciel mal lavé. Mais je ne m’attardais point à ces considérations. Je ne cessais d’examiner Juliette dont l’attitude, depuis le départ du matin, me paraissait bizarre et le silence persistant peuplé de réticences.

— Qu’as-tu donc ? demandai-je pour la dixième fois. On dirait que tu t’ennuies.

Elle posa son coude sur mon épaule, s’abandonnant, gracieuse et sévère tout à la fois. Elle planta son regard droit dans le mien. Elle dit :

— Ainsi, tu me suis, sans savoir au juste où je te conduis. Tu n’as aucune crainte ?

Je reculai brusquement.

— Quelle plaisanterie.

— Pourtant, mon chéri… Suppose que je sois complice de ton fameux Ugolin… hein !… qu’en penses-tu ?

Je haussai les épaules, violemment, autant pour marquer le cas que je faisais d’une hypothèse aussi saugrenue que pour réprimer je ne sais quelle vague