Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

retraites aux flambeaux, ouvraient des bals à tous les coins de rue. Revanches périodiques du bimane primitif ! Trois journées glorieuses de bestialité splendide — un poète, Laurent Tailhade, proclamait : « Ça se fête dégueulando ! » — qui se soldaient par de juteuses saouleries, des altercations, des batailles, des coups de couteau, des cris aigus de femmes en rut… Puis les asiles d’aliénés submergés et, corollaire émouvant, une augmentation anormale de la natalité due à de trop abondantes et trop hétéroclites copulations perpétrées au petit bonheur des ivresses et d’une libido capricante.

Le Quatorze Juillet de l’an 1935 fut une véritable catastrophe. On ne parlait partout que des histoires d’enlèvements. On ne songeait qu’à ça. Dès la première nuit, la chaleur et l’alcool aidant, des querelles meurtrières furent signalées un peu partout. On releva de nombreux morts. La police débordée s’avoua impuissante. Le chef du gouvernement décida alors d’interdire le bal de la nuit suivante. Mais les citoyens exaspérés se souvinrent, à cette occasion, que leurs grands ancêtres — ces géants ! — avaient démoli la Bastille et ils organisèrent la résistance.

La nuit du quatorze au quinze se déroula entièrement en batailles rangées entre la foule qui persistait à vouloir danser et les policiers et soldats qui s’efforçaient de la disperser. À Belleville, on dut recourir à des sommations et charger férocement tout un peuple où dominaient femmes et enfants. Et, soudain, sans qu’on pût comprendre comment cela s’était produit, une masse compacte d’êtres déguenillés, farouches,