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Quoi ! Parmi ces soldats illégalement retenus pour veiller sur la route où va passer la couardise impériale, parmi ces gardes-barrières qui gagnent quelques francs tous les mois, parmi les chemineaux, les mendiants, les trimardeurs, les outlaw, ceux qui meurent de froid, sous les ponts, en hiver, d’insolation, en été, de faim, toute la vie, il ne s’en trouvera pas un pour prendre son fusil, son tisonnier, pour arracher aux frênes des bois le gourdin préhistorique, et, montant sur le marchepied des carrosses, pour frapper jusqu’à la mort, pour frapper au visage et pour frapper au cœur la canaille triomphante, tsar, président, ministres, officiers et les clergés infâmes, tous les exploiteurs qui rient de sa misère, vivent de sa moelle, courbent son échine et le payent de vains mots. La rue de la Ferronnerie est-elle à jamais barrée ?

La semence des héros est-elle inféconde pour toujours ? Le sublime Louvel, Casério, n’ont-ils plus d’héritiers ? Les tueurs de rois sont-ils morts à leur tour, ceux qui disaient avec Jérome Ogliali, l’exécuteur de Galéas Sforza, qu’un trépas douloureux fait la renommée éternelle ? Non, la conscience humaine vit encore !

Hein ! quel accent cela avait ! Trop, même. Car la justice s’alarma. Des poursuites furent décidées contre le poète. Le ministère, où brillaient alors Millerand et Gallifet, expédia l’écrivain et le gérant du Libertaire Louis Grandidier, devant les juges. Tailhade récolta un an de prison. Grandidier en eut pour six mois.