Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait préparée de ses propres mains et que n’oubliera jamais mon estomac reconnaissant. »


Que voulez-vous ? J’ai toujours été, en effet, un maître dans l’art difficile de confectionner les omelettes (en cassant les œufs), de même que Daudet est un as dans l’art de fabriquer les complots. Chacun a ses petites qualités personnelles. Mais cela explique que, le fumet de l’omelette et les bons vins aidant, les grenouilles du Roi en soient venues à nous considérer comme des recrues possibles.

On les voyait, multipliant les sourires et les complaisances aux gars de la Terrasse. Hélas ! Ces derniers se montraient plutôt mal embouchés. Les longues soirées d’hiver, chacun y allait de son refrain. Almereyda chantait les couplets des Tisserands, les royalistes Monsieur d’Charrette.

Mais les « syndicalos », eux, entonnaient carrément, et sans se soucier de leur auditoire :

Le Christ à la voirie !
La Vierge à l’écurie
Et le Saint-Père au Diable !…

Alors, les pauvres camelots piteux, baissant tristement le nez, et arborant des mines contristées, avaient tout l’air du type qui ne comprend pas ou à qui l’on en fait une bien drôle. Pujo me prenait à part, dans un coin, et me murmurait à l’oreille :

— Mon cher ami… Cette Carmagnole !… Il y a parmi nous des croyants qui souffrent horriblement