— Tais-toi, répliquait Almereyda, le pain n’est rien. La révolution, c’est la conquête de la brioche.
Là-dessus, je jetais une douche d’eau froide :
— La brioche avec beaucoup de beurre… beaucoup de beurre dans la fameuse assiette.
Mais j’étais un mécréant, un sceptique (vous ne pouvez imaginer ce que ce terme : sceptique, revêtait de signification péjorativement méprisante). Et Almereyda ajoutait :
— Tu ne crois en rien. Il faut croire. Ce qui te perdra, c’est ton esprit critique.
Malheur ! Je doutais des hommes et je me méfiais des idées. Les événements, par la suite, ne m’ont que trop donné raison. Mais cela n’empêche pas les sentiments.
Les premiers mois d’hiver s’écoulèrent ainsi, en discussions fastidieuses, en parties de cartes. À neuf heures, on nous bouclait dans nos cellules où, paisiblement, nous lisions la moitié de la nuit.
Puis, brusquement, il y eut une invasion dans le quartier politique. Une vingtaine de manifestants cueillis dans la rue (je crois que c’était à propos de l’inauguration du monument Floquet où le président du Conseil Clemenceau fut copieusement hué) furent jetés dans le quartier politique. Désormais, le parloir de l’étage au-dessus devenait impossible. Nous demandâmes à parler au directeur.
Le directeur (on le nommait Payan, si mes souvenirs