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le rédacteur en chef, et j’avais songé à la collaboration possible de Tailhade. Le poète nous reçut dans son lit. Il avait de la peine à nous répondre. D’instant en instant, ses mains saisissaient un ballon d’oxygène. Cependant ses yeux eurent une lueur de joie quand il comprit de quoi il s’agissait :

— C’est très bien, fit-il. Nous allons asticoter quelque peu certains de ces messieurs de la littérature et de la politique.

Hélas !

Tailhade ne nous donna pas une ligne. Il était condamné. Un soir, rue Montmartre, au cinquième étage, où nous avions établi nos bureaux, il entra, tout guilleret, soufflant un peu.

— Ça va, nous dit-il. Je vais pouvoir reprendre ma place. Mais il paraît qu’il faut que j’aille me mettre au vert.

Là-dessus, nous engageâmes une controverse sur… les symboles de la Mythologie. Ces petits problèmes lui étaient très familiers. Sa mémoire demeurait intacte. Il fut, comme toujours, un causeur étincelant.

Il partit. On a dit qu’il était mort de faim. Il serait criminel de laisser cheminer cette légende. À la vérité, Tailhade n’avait presque pas le sou et il devait des mois de pension. Mais Eugène Merle se mit en campagne. Il rapporta quelques billets bleus. Je dois dire que parmi les confrères qui s’émurent de la détresse de Tailhade, un des plus dévoués fut M. Chavenon, directeur de l’Information, qui est bien le confrère le plus cordial et le plus serviable.