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on assista à un spectacle curieux. Mon père était debout, au milieu de quelques amis, dans le couloir qui commandait la sortie de la Préfecture. Les délégués devaient passer devant lui. En passant, tous se courbaient et, le chapeau à la main, saluaient le vaincu impassible. Puis ils fuyaient, honteux.

Dans la ville, quand on connut les résultats, pourtant prévus, ce fut une explosion de colère. Les cafés étaient bondés de curieux et de militants venus de tous les coins du département. Une manifestation violente s’organisa spontanément. La foule se rendit devant l’hôtel du ministre, aux cris de « À bas Clemenceau ! » Les bourriques parisiennes eurent du mal à la disperser.

Clemenceau, ce soir-là, tout triomphant qu’il était, dut songer, avec quelque amertume, à d’autres manifestations lointaines, alors que les électeurs du Var l’accueillaient avec des clameurs et le poursuivaient de leurs « Aoh ! yes ! »

Mais, au départ, ce fut pire. La foule reconduisit le triomphateur jusqu’à la gare, parmi les vociférations. Pâle, les dents serrées, Clemenceau, au milieu de ses policiers, attendait le train. La foule grossissait d’instant en instant et la police perdait la tête. On commençait à jeter des pierres. Il y avait de l’émeute dans l’air.

Enfin, le train arriva. La foule, dans un dernier effort, se rua en avant, bousculant tout.

— À bas Clemenceau !… À bas Clemenceau !

Par là-dessus, une formidable tempête de sifflets suraigus.