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Jusqu’à son dernier jour, Tailhade se déclara « prêt à payer », comme il disait.

Il avait, du reste, des ennemis nombreux et implacables. On aurait dit qu’il prenait plaisir à grossir leurs rangs. Parfois, il tombait sur un confrère ou un ami de la veille sans rime ni raison. Certains d’entre eux, d’ailleurs, lui rendaient coup sur coup.

Parmi ses adversaires les plus dangereux, le pamphlétaire catholique Léon Bloy. L’auteur du Désespéré, cependant, avait, presque seul dans la presse de cette époque, pris violemment la défense de Tailhade blessé par une bombe au restaurant Foyot. Tous s’acharnaient sur l’homme qui, quelques semaines avant, n’hésitait pas à déclarer : « Qu’importe la disparition de vagues humanités, si le geste est beau ! » Mais, par la suite, Léon Bloy n’observa aucun ménagement avec Tailhade. Il déclarait superbement que ce dernier « ramassait les miettes de ses festins ». Il l’appelait : « le cyclope des vespasiennes ». Passons.

Willy aussi connut les invectives de Tailhade. Seulement, il se vengeait assez cruellement en l’introduisant dans ses romans et à coups de calembours. Tels de ses personnages s’appelaient Lord Entaillade ou l’Orang Tailhade. Jeux innocents.

Mais le plus injurié fut Jehan Rictus, le poète des Soliloques. Comment cela se fit-il et pourquoi Tailhade en voulait-il autant à l’auteur du Revenant ? On ne l’a jamais bien su. Il avait commencé par admirer le chantre de la misère et, dans un article dithyrambique, par le comparer au Dante. Puis, brusquement, il se mit à lui tomber dessus, à toute