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thym et évoquant de succulentes bouillabaisses. C’était très amusant. L’orateur se lançait dans la philosophie sociale.

Clemenceau se tourna vers mon père et murmura :

— Mais c’est très bien, ça… tout à fait bien… Je ne m’exprimerais pas autrement.

Reymonencq poursuivait. Les périodes se succédaient, dans un balancement harmonieux, avec des formules qui explosaient tout à coup et laissaient les auditeurs confondus. Clemenceau se trémoussait sur sa chaise.

— Qu’avez-vous donc ? lui demanda mon père.

— J’ai que… sapristi… j’ai déjà entendu ça quelque part… C’est curieux. Il me semble que je connais ça…

On s’en fut dîner. Au milieu du repas, Clemenceau se frappa soudain le front et s’écria, tel Archimède :

— J’y suis… Eurêka !…

— Quoi !… Qu’est-ce que vous avez trouvé ?

— Le discours… Ce Reymonencq… Ah ! ça ! c’est trop fort.

Il se renversa sur sa chaise en éclatant de rire.

— Trop fort… trop fort ! s’exclamait-il, avec des larmes dans la gorge. Ah ! l’animal !… Imaginez que ce discours, appris par cœur, eh bien… il est de moi ! Vous trouverez ça, dans la Mêlée Sociale.

C’était rigoureusement exact.

Ce culot éblouit Clemenceau. Il n’avait jamais vu ça. Cela le dépassait. Il voulut mieux connaître l’homme. Il se l’attacha. Et, bientôt, tous deux devinrent une paire d’amis. Le Reymonencq, d’ailleurs,