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son époux, si distingué, si spirituel et hôte parfait… Je remercie M. Y… dont la conversation fut l’attrait de ce repas… Je remercie… Je remercie…

Il remercia tous les convives, les uns après les autres, y compris le maître-queux et le sommelier aux bourgognes délectables.

Puis, chacun s’en fut. Le sénateur héla un taxi. Mais, à peine la voiture se mettait-elle en marche, qu’il frappait à la vitre et commandait demi-tour. Il revint à la maison amie, se précipita comme un fou dans le couloir, gravit les étages tel un bolide…

Il avait oublié de remercier la bonne.

Tel était le premier candidat de la liste Clemenceau.

Mais le second ! Ah ! c’était encore plus rigolo. Celui-là, Victor Reymonencq, était un ancien ouvrier du port, bougrement révolutionnaire, à l’éloquence imagée, dont on avait fait un conseiller municipal de Toulon. Le plus curieux, c’est qu’au fur et à mesure qu’il réussissait dans la carrière politique, il montait en grade comme fonctionnaire de l’État. Coïncidence, disaient ses partisans. Mais rien ne le désignait particulièrement, étant donnée l’abondance de cuirs et de pataquès dont se nourrissait sa rhétorique, pour être expédié à la Haute Assemblée. Seulement, ce Reymonencq avait une manière de génie.

Qu’on en juge. À la première élection Clemenceau, devant l’assemblée des délégués, Reymonencq se leva pour demander la parole. Et il se mit à discourir, d’une voix chaude, entraînante, fleurant l’ail et le