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tout son destin, accompli tout son mandat de guerre civile et de guerre étrangère, réalisé tout son potentiel de destruction…

Paroles prophétiques. Marcel Sembat ajoutait cette anecdote qui peint bien le personnage aux plaisanteries grossières que j’ai déjà montré : Un collègue de province arrête un jour Clemenceau traversant les couloirs au trot : « Monsieur le Président du Conseil, je n’aurais qu’un seul mot à vous dire ! » Clemenceau pivote, s’arrête net et, fixant l’importun : « Un seul mot ? Pourvu que ce ne soit pas M…, vous pouvez y aller ! »

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Victor Hugo dit, de l’homme du Deux-Décembre : « Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. »

Cela pouvait alors s’appliquer à Clemenceau. Des courtisans et des flatteurs intéressés, il en remuait à la pelle, surtout au Parlement, et il les recrutait particulièrement parmi ses adversaires de la veille — ceux qu’il avait toujours combattus et qui n’avaient cessé de le combattre. Quant à ses amis, peuh ! Des gêneurs ! Voire des attardés, piétinant sur place et incapables d’évoluer. Lui savait se retourner. Quelques mois avant de cueillir son portefeuille, il déposait sur le bureau du Sénat un curieux projet de défense de la liberté individuelle. Ministre, il jetait, par centaines, ses adversaires dans les geôles.

Dans de telles conditions, on comprendra aisément