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n’enverrait point de soldats. De fait, on ne les vit point. Le ministre les cachait. Mais il les avait sous la main, prêts à intervenir.

Tout cela, c’était pour épater la galerie. J’ai déjà dit qu’il, avait choisi le général Picquart comme ministre de la Guerre, histoire de jeter un défi à ses adversaires. Il crânait. Il posait. Le Grand Paon faisait la roue.

Cela ne dura pas. La politique de Clemenceau, radical et dreyfusard, s’affirma rapidement. Il avait promis l’abolition des conseils de guerre, la réduction du service militaire, les retraites ouvrières, l’impôt progressif (vieilles histoires, hein ?), tout ce qu’on voulait, tout ce qu’on désirait, tout ce qu’attendaient les démocrates. Premier effet de ces promesses : au 1er  mai, Paris en état de siège, des troupes partout, des complots, des poursuites, des condamnations. Bientôt les prisons pleines de militants, de journalistes. Mon ami André Morizet, aujourd’hui sénateur de la Seine, a écrit là-dessus une brochure édifiante où il dresse le bilan (d’ailleurs incomplet) du ministère Clemenceau. C’est très instructif. Voyez plutôt.

Pour l’année 1906 (Clemenceau a pris la présidence du Conseil le 23 octobre 1906), trente-deux ans, trois mois et six jours de prison distribués pour faits de grève. En 1907, cinquante-cinq ans, cinq mois et vingt-deux jours. Plus, au tableau, NEUF MORTS ET CENT SOIXANTE-SEPT BLESSÉS.

En 1908, des massacres partout. SIX MORTS, TROIS CENTS BLESSÉS, onze ans, onze mois et vingt-six jours de prison. Ajoutez à cela les délits d’opinion,