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véhémentes et injustifiées ! Quelles injures, éblouissantes, certes, mais mortelles sous sa plume féroce ! Il partait en guerre, brusquement, sans qu’on pût bien s’expliquer ses raisons. Quand il n’y avait pas une « pipe au bec » sous roche (si l’on peut ainsi dire), il y avait on ne savait quel malentendu bizarre, quelle impression fâcheuse produite sur les nerfs du poète.

Dans ce Je dis tout, dont j’ai déjà parlé, Tailhade s’était jeté follement sur deux redoutables journalistes Gustave Téry et Urbain Gohier, qui publiaient alors l’Œuvre hebdomadaire, à couverture rouge. Il en résulta deux duels — deux duels sans résultats… — au pistolet. Mais lorsque, dans son combat avec Gohier, les deux balles furent échangées, Tailhade soudain, se précipita sur son adversaire, le prit entre ses bras et l’embrassa. Gohier n’en revenait pas.

Tailhade se battait volontiers. Je l’ai vu, dans des réunions publiques, sauter à la gorge d’insulteurs. Mais il était surtout partisan du duel. Infirme de la main droite, à la suite d’un coup d’épée, il n’en continuait pas moins à aller sur le terrain. Et qu’on me permette de citer encore un passage d’une lettre qu’il m’adressa à la suite d’un duel où j’eus la faiblesse de figurer.

Je venais de me battre à l’épée avec le poète Lionel des Rieux, mort depuis au front. Cela à cause de l’affaire Ferrer. J’avais sciemment injurié une des filles du martyr fusillé à Montjuich, qui n’avait pas craint de se prononcer pour le roi d’Espagne contre son père. Lionel des Rieux était l’ami de cette enfant