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son grand électeur. Et, un beau dimanche soir, il se retrouva, sans douleur, élu du Var.

Ce soir-là, son visage rayonnait. Il tenait sa revanche. Il rebondissait sur les tréteaux politiques. Joie ! Joie ! Pleurs de joie ! Il avait pris les mains de mon père et balbutiait, avec une émotion qu’il ne cherchait nullement, lui, le cynique, à cacher :

— Mon cher ami… soyez remercié… Vous me rendez la vie ! Je n’oublierai jamais… jamais… jamais…

Jamais !… Ouais !… Vous allez voir la suite.

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* *

Sénateur, et, de plus, rédacteur en chef de L’Aurore, dont il avait fait expulser Urbain Gohier, Clemenceau ne causa pas, tout d’abord, de grands dommages. Il se contentait de répandre son esprit et ses méchancetés dans les couloirs. Ses collègues le fuyaient comme la peste. Mais ici il faut que je marque un trait essentiel du caractère de cet homme.

Ce qu’on a appelé l’esprit de Clemenceau était surtout fait de grossièretés et d’incongruités inconcevables. C’était, je crois, avec feu Viviani, l’homme le plus mal embouché des deux Chambres. Il affectait volontiers un langage de charretier ou de collégien ivre. Je voudrais bien rapporter quelques-uns de ses « mots » parmi les plus exquis, mais il me faudrait employer le latin, cette langue qui brave l’honnêteté et que j’ai à peu près oubliée.

Essayons pourtant. Un après-midi, au Sénat, l’honorable M. Mézière, sénateur et académicien,