farouche républicain, teinté de blanquisme, socialiste jacobinisant, apparaissait un de ces échantillons si rares dans la faune parlementaire : l’homme intègre et convaincu. Il a abandonné, depuis, la scène politique, et c’est dommage. Je me permets de lui adresser, en passant, le salut ému du vieil ami et du disciple.
Donc Clemenceau était, comme on dit, sur le sable. Il cherchait sa voie, publiait des contes (fort mauvais) dans Le Matin, tâtait du théâtre. Un homme fini, disait-on. Mais le vieux matou avait des ressources de volonté tenace. L’affaire Dreyfus surgissant, il s’y lança à corps perdu.
L’affaire Dreyfus, ce fut pour lui comme un plongeon dans des eaux lustrales. Elle lui refit, promptement, une virginité. Les républicains commencèrent à tourner la tête de son côté. Des remords, un peu vagues, assaillaient certains esprits. On songeait qu’on avait peut-être eu tort de sacrifier assez brutalement un aussi rude combattant.
Lui ne pensait plus au Var, ce département rouge qui vit les insurrections de 1852 et balaya, tour à tour, tous les traîtres à la démocratie, depuis Émile Olivier, que les paysannes couvraient de crachats, jusqu’à Jules Roche et Clemenceau lui-même. Or, il advint que les Varois, qui n’avaient droit qu’à deux délégués au Sénat, furent, par extinction des inamovibles et par voie du sort, gratifiés d’un troisième siège. Une élection sénatoriale fut décidée.
Les deux sénateurs de l’époque étaient deux grands honnêtes hommes de républicains, élevés à l’école