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Certes, j’ai pu voir, depuis près de trente années que je tiens une plume et que je suis mêlé à toutes les bagarres, plus d’un de mes compagnons de jeunesse tourner brusquement comme le lait qu’on approche d’un feu trop vif. Je pourrais citer des noms et des noms, y compris celui de mon vieil ami Émile Buré, jadis anarchisant, mais qui, tout en changeant son fusil d’épaule, n’a cessé de conserver son sourire de sceptique amusé. Car lui ne cherche pas obstinément la foi, mais tourne autour de la sagesse, déité fuyante, qui se dérobe et se joue de ses soupirants… Oui, combien sont-ils qui n’ont rien gardé des ardeurs et des emportements d’autrefois et qui cultivent, peut-être, des regrets ?

Mais Hervé, l’homme des paysans de l’Yonne, le défenseur de Liabeuf, le théoricien de l’antipatriotisme !… Hervé jouant les saint Paul ! Un comble.

Pourtant peu d’hommes ont moins changé que Gustave Hervé. Au fond, il est demeuré le même.

Je m’explique. Avant d’être journaliste et homme politique, Hervé est un pédagogue. Il enseigne, il professe. Avec ses méthodes à lui, qui sont toutes d’outrance, de grossissement des traits, afin, dit-il, de mieux frapper les esprits. Seulement, voilà, la leçon qu’il développe aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Mais la méthode n’a pas varié. Et c’est toujours le pédagogue brutal, affirmatif, péremptoire que nous avons devant nous.

Un pédagogue, d’ailleurs, qui s’allie au paysan bon vivant, malicieux, prompt au sarcasme, voire à l’injure. Un professeur doublé d’un pamphlétaire.