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du communisme français et le directeur du journal du soir L’Internationale. Depuis, il a failli tomber du ciel moscovite et le malheureux a connu bien des tristesses, en compagnie de son ex-ami Amédée Dunois et de l’excellent Rappoport.

Ainsi vont les choses dans le parti où règne Marcel Cachin. Au pinacle aujourd’hui. Dans les sous-sols demain. La Révolution, disait-on autrefois, est comme Saturne, elle dévore ses enfants. Aujourd’hui elle les met en pénitence et les affame.

Daniel Renoult était — et c’est toujours, je pense — un brave garçon, un peu excité, parfois violent, d’une violence toute verbale, et qui s’exaspérait jusqu’aux coups de poing sur la table. Les yeux doux, le visage encadré d’une barbe roussâtre, l’air pensif — au point que son chef penchait sous le poids de ses laborieuses cogitations, — l’allure débraillée, il allait à travers les querelles de tendance, dans le socialisme, ainsi qu’un héritier — mal venu — de Jaurès. Du grand tribun, il n’avait emprunté que le sang-gêne vestimentaire et le large mépris des élégances. Quant à l’éloquence, il était par rapport à Jaurès comme un reflet de lune à côté du soleil — une lune pâteuse, bredouillante et frigorifiante.

Mais c’était un bon garçon, vraiment, un tout à fait bon diable. Il n’était pas entièrement responsable de ses accès soudains de colère auxquels succédaient de mornes accablements. Coups de fouet brusques et lendemains de dopages. Malgré tout, il lui arriva de se montrer courageux. Au comité directeur, avec des « euh », des « eh ! eh ! », des « bée… bée… »,