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autre chose. Et c’est mon tour. Me voilà à la tribune. J’ai assisté à quelques chahuts dans ma carrière de militant. Mais ce soir-là, ce fut épique. Interruptions, injures, cris, menaces, tout y était… Et le cri qui dominait, c’était Froufrou ! Froufrou ! Maudite feuille ! Cependant, dans le bruit, je m’efforçai de me défendre. Je hurlai :

— Apportez-moi donc ce journal. Nous allons le lire ensemble. Pour moi, ce sera la première fois.

Le chahut n’en continuait que de plus belle. Aux Froufrou ! se mêlaient des « Vendu ! » des « Renégat ! », des « Salaud ! ». Un électeur conscient et désorganisé par la boisson vociférait :

— Tu as quitté le parti pour toucher de la galette.

Un autre protestait violemment :

— C’est pas vrai. Il était payé pour moucharder les copains.

Jeux charmants. Je vous assure que, dans de telles réunions, on n’a pas le temps de s’embêter.

Un brave « boulot » se dressa dans le bruit et parvint à me jeter cette suprême injure :

— On voit bien que tu as les mains blanches !

J’eus la veine de pouvoir riposter et je lâchai, dans une éclaircie de silence, à pleine voix :

— Oui, c’est exact. Elles sont blanches. Pas traces de roubles là dedans.

Du coup, le chahut atteignit des proportions folles. Impossible de dire un mot. Je tins tête, obstinément, ne voulant pas déserter l’estrade, essayant de dominer la tempête. À la fin, j’avais la gorge en feu ; la sueur dégoulinait de mon front, trempait