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duire rapidement chez moi. Je demeurais au lit, affreusement malade, jusqu’au lendemain, en proie à des cauchemars effroyables où je voyais des flots de raki couler dans les urnes, parmi des visages grimaçants qui souriaient de toutes leurs dents jaunes :

— Messié… Messié… Les Polaks !…

Tout de même, quand on viendra me parler de la solidarité juive !…

Les réunions du quartier Saint-Gervais, où je déployais largement le drapeau de la Troisième Internationale, attiraient tous les militants de Paris et de la banlieue. C’était la première candidature communiste en France. À la vérité, les bons électeurs étaient quelque peu suffoqués par nos déclarations et, aussi, par le chahut qui se faisait à la sortie, où l’on entendait hurler :

— Pour les Soviets, camarades !… Pour les prolétaires russes !

Un des organisateurs de ces réunions, entre autres, doué d’une voix de stentor, le visage embroussaillé d’une barbe épique, les yeux de braise, avait une façon bien à lui de faire la quête. Il se plantait menaçant devant les gens, brandissant sa casquette. vociférant dans les visages :

— Pour les Soviets ! N… de D… !

Je ne suis pas sûr que cette manière de propagande m’ait valu beaucoup de suffrages.

Les suffrages, du reste, je n’y tenais pas absolument.