Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’autres sont morts. Je vous expédie mon salut ému, vieux frères d’antan.

Cependant les plus fous, c’étaient peut-être les mystiques du marxisme et de la révolution sociale, les servants du prolétariat, les chevaliers de la lutte de classes ! Ah ! ceux-là croyaient vraiment que c’était arrivé. Je les entends encore :

— L’homme qui produit tout… la concentration des capitaux… le développement industriel… la valeur de l’objet manufacturé… la loi d’airain… la conquête du pouvoir… la dictature (déjà !) du prolétariat !… Nous sommes-nous gargarisés avec ces formules ! L’avons-nous détruite et refaite la société, l’infâme société bourgeoise. Ah ! jeunesse ! Toutes les vingt-quatre heures, nous étions à la veille du Grand Soir. C’est comme je vous le dis.

*
* *

Le modèle même du marxiste convaincu, impénitent, indécrottable, c’était le citoyen René Cabannes, délégué permanent du parti, commis-voyageur en socialisme, qui venait, plusieurs fois par an, se retremper à la Chope.

René Cabannes. Un être terriblement verveux et plein de fantaisie. Doué, dans le privé, d’une éloquence pittoresque, abondante en trouvailles, il faisait notre joie. Mais, en public, à la tribune, il se révélait tout différent. Il lançait aux auditoires consternés, avec un sérieux extraordinaire, le fameux « discours passe-partout » des guesdistes. Ah ! ce discours !