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physionomie hirsute quant à la base, immaculée quant au sommet, provoquent irrésistiblement la sympathie. Car la franchise est inscrite là, tempérée d’un peu, de beaucoup de rosserie. Notre Limousin, s’il n’a rien du Chinois, en dépit de ses yeux où filtre la prudence du regard, a tout du chineur incorrigible. Il adore les grosses et grasses plaisanteries. J’imagine qu’au collège il a dû éplucher consciencieusement Maître Alcofribas.

Au début de nos rencontres, nous n’étions pas très, très camarades. Nous avions rompu des lances à la quatrième section du Parti socialiste, rue Charlemagne. J’étais « insurrectionnel ». Il était « guesdiste ». La Chope devint, pour nous, un terrain neutre où, peu à peu, nous apprîmes à mieux nous connaître.

J’ai dit qu’il arrivait de Limoges. Il était précédé par sa réputation. Effroyable, cette réputation. On racontait qu’il avait manqué déchaîner la révolution, là-bas, dans sa ville natale. On l’avait vu à la tête d’une émeute, conduisant les insurgés jusqu’à la porte d’une prison, forcée et prise d’assaut. Cette équipée fut suivie d’une fusillade sanglante. On se battit trois journées, dans les rues.

Mais, bien avant, Mayéras avait donné sa mesure. Excellent élève au lycée, il était devenu répétiteur à Saint-Maixent, lorsqu’il se fit révoquer, en pleine période dreyfusarde, pour avoir refusé de dire le « Pater » à la messe. Après ça, on le voit professeur à Turgot. Mais, déjà, le socialisme l’avait conquis tout entier.