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quelque peu dans ses phrases. Mais très brave cœur et d’une sensibilité que son aspect ne laissait en rien deviner. Ajoutez d’une susceptibilité folle. Et polémiste, terriblement polémiste. Le plus curieux, c’est que ce journaliste, qui, dans la vie, paraissait si peu préoccupé de logique et de méthode, s’affirmait, la plume à la main, un chercheur et un classeur de documents de premier ordre.

Il employait son temps à fureter, à fouiller de vieux papiers, à confronter des textes. Et il assommait ses ennemis à coups de citations. Rien de ce qui concernait le socialisme, son histoire, ses hommes, ses chapelles, ne lui était inconnu. Avec de telles qualités, il aurait dû aller très loin. Par malheur, sa fantaisie lui jouait de mauvais tours. Il était trop l’homme du premier mouvement et, son instinct obéi, il s’entêtait.

Un jour, il portait aux nues tel ou tel militant, tel ou tel homme public. Six mois-après, sans qu’on sût exactement pourquoi, il le démolissait. Mais, chaque fois, il exprimait son opinion avec la même sincérité fougueuse et truculente, avec la même entière bonne foi. De la spontanéité, mais pas de méchanceté.

Et quel admirable buveur ! Les soucoupes s’entassaient devant lui. Pélion sur Ossa. Toutes les dix minutes, on entendait sa grinçante voix : « Garçon ! un demi ! » Le demi tombait, floc ! dans son estomac comme dans un gouffre. Ô fils glorieux de Gambrinus, la Chope de la rue de la Harpe était ton royaume ! Tu dominais là comme le dieu réjoui, hilare — un dieu bon enfant et au fond, si candide — de cet antre