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Et encore ceci :


O soirs qui m’emplissez de vos mélancolies,
Soirs maladifs d’automne où tout parait mourir,
Dans le linceul mouvant de vos teintes pâlies,
Vous gardez, soirs méchants, mes lointains souvenirs !


Celui-là était un tendre, délicieux, émouvant poète. Je crois qu’il n’a plus rien publié depuis. La vie l’a pris dans ses remous. Il a dû lutter comme tant d’autres et la Muse a fui à tire-d’aile.

D’autres encore ? Alexandre Mercereau, qui dirigeait il y a peu, les soirées du « Caméléon ». À cette époque, il publiait les Turibulums affaissés, recueil de poèmes terribles. Et il signait bravement : « Esmer Valdor ». Mais il a fait mieux par la suite. Et Albert Verdot, épris de Verhaeren, qui a lâché la littérature pour l’architecture. Et mon vieil ami Vincent Muselli, un des poètes les plus purs et les plus classiques de ce temps, malheureusement affligé d’une insouciance sans limites et trop ennemi de la publicité. Et le verlainien Cholet qui fait aujourd’hui des affaires, tout en continuant de pourchasser la rime…

Tous, nous rêvions de lauriers, de monde à conquérir. Rastignacs de l’écritoire, nous lancions aux Béotiens de sonores : « À nous deux, Paris ! ». Mais combien sont tombés sur la route ? Combien ont dévié ? La guerre en a emporté quelques-uns. La vie, sans pitié, a courbé les autres.

Car l’on imaginera malaisément ce qu’il nous fallut d’espoir au ventre, de ténacité, d’orgueil fou. Et