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Il faut répondre, cependant. Je dis au lieutenant qui s’exprime très correctement en français :

— Voici… Je viens de me promener en Allemagne… J’ai perdu mes papiers dans une chambre d’hôtel.

À la fois souriant et rébarbatif, Croque-mitaine secoue la tête :

— Mauvais… très mauvais… Pourquoi n’avoir pas pris le train ?

— On m’a arrêté à la gare… On m’a obligé à revenir sur mes pas.

Il tire sur ses moustaches, très soucieux. Il est visible que cette affaire l’embête profondément. On n’aime pas beaucoup les histoires dans le grand-duché. Là-dessus R… l’entreprend. Il parle, il parle, en allemand, avec une extraordinaire volubilité. Le lieutenant écoute, l’air de plus en plus perplexe. Un des agents en bourgeois me demande :

— Vous n’avez pas d’armes ?

Je sursaute. Celui-là est capable de me fouiller. Dans quel guêpier suis-je tombé ?

Mais sur un geste de dénégation, l’agent se tient coi. Le lieutenant tire toujours sur ses moustaches. Plus un mot. Nous sommes, les uns et les autres, dans une situation absolument ridicule. Je bâille. Ils bâillent tous. Et le temps qui s’émiette. L’aube qui pointe. À la fin, j’en ai assez… j’en ai même trop. Je m’adresse au lieutenant qui roule des yeux effarés.

— Vous voulez savoir qui je suis ?

— Qui êtes-vous donc ?

— Un communiste français… parfaitement… rédacteur à L’Humanité.

Il a comme un soupir de soulagement.

— Communiste… vous êtes communiste… Alors c’est de la politique, ça !… Ça ne nous regarde pas, ça !…