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tout noirs dans le noir ! Ils se dressent devant nous comme deux statues de pierre. Et j’entends une voix menaçante :

— Passeports !…

Ah ! tonnerre !… Les douaniers ! Ils nous ont repérés. Ils nous ont attendus là, tranquillement, pour nous cueillir.

Zut ! Je n’en sortirai décidément jamais de cette sotte aventure. Et je ne sais que répondre. Le batelier a disparu, sans un mot (j’ai soupçonné depuis cet animal d’être allé prévenir l’ennemi, après avoir empoché notre galette). Le camarade sort ses papiers de sa poche, s’explique longuement avec les autorités. Puis, l’un des deux spectres s’adresse à moi :

— Vous n’avez pas de passeport ?

Je réplique, rageur :

— Non.

— Et vous vouliez passer le fleuve… dans quel but ?

— C’est mon affaire.

L’homme fait un geste comme pour désigner je ne sais quel objet vers le pont et il articule :

— Cette voiture ?… C’était pour vous ?

Je ne réponds rien. Stupide, je cède à la fatalité, L’un des douaniers m’a saisi le bras et m’entraîne. Je le suis sans résistance. Et voici que s’avancent à notre rencontre le chauffeur et R… Nouvelles explications en langue allemande, auxquelles je ne comprends goutte. Tentative de corruption. R… a sorti son portefeuille, Il offre des cigares. Mais le douanier luxembourgeois est, paraît-il, un homme de devoir. Il secoue la tête et me pousse en avant.

Nous sommes sur le pont. On m’a jeté dans une salle étroite que décorent deux chaises et un lit de camp. Je