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— Possible… Ici, ça ne suffit pas… Voyons, pas de photographies, rien ?

Je dus avouer, penaud :

— Rien.

— Alors, désolé. Vous n’entrerez pas…

— Mais j’ai payé !

— Qu’à cela ne tienne… On va vous rendre votre argent. Et vous reprendrez le train qui vous reconduira à Trèves.

J’eus beau parlementer, m’efforcer de fléchir ce haut fonctionnaire. Rien à faire. Furieux, je menaçai. Alors, le galonné, entêté, me fit jeter dans une salle et plaça deux factionnaires à la porte. J’étais pris.

Je me mis à songer, soudain, à mes liasses de marks.

Pourvu qu’on ne s’avisât point de me fouiller. Je serais propre.

Au bout de quelques heures, le haut fonctionnaire m’envoya chercher.

— C’est à vous cette boîte de cigares… Et cette poupée ?

— C’est à moi… Je l’apporte de Berlin.

— Bon… On vous renverra votre poupée… Nous gardons les cigares !… Et en route !… Vous avez de la veine d’avoir affaire à nous !… Vous vous en tirez à bon compte.

Il me poussa dans un wagon. R… prit place à côté de moi. Il ne voulait pas, disait-il, m’abandonner. En réalité, il pensait à ses marks.

À Trèves, dans la soirée, R…, très sombre, l’air préoccupé, me conduisit chez un camarade allemand, un fort bon garçon, ancien combattant qui habitait, avec sa jeune femme, un logement très propre d’ouvrier. R… expliqua l’aventure. Le camarade décida que nous resterions la nuit chez lui et que, le lendemain, nous aviserions.