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En Hongrie, les soldats l’avaient jeté à terre, dans sa cellule, et, à coups de crosse de fusil, cognaient sur sa tête… Il en a réchappé. Il a le crâne extraordinairement solide.

— Tout de même, faire massacrer de pauvres diables d’ouvriers pour une manœuvre politique…

À ces mots, R… regarda autour de lui avec inquiétude.

— Chut !… Pas si haut… Et, surtout, oublie ce que je t’ai dit. Ils n’auraient qu’à savoir.

Mais je n’ai rien oublié. J’ai même eu l’occasion de méditer là-dessus. Incontestablement, ce mouvement révolutionnaire qu’on savait devoir n’être qu’un fiasco sanglant aura été voulu, organisé, lancé par les dirigeants soviétiques, pour servir de diversion. Il y avait des cadavres, du sang, des catastrophes. Mais est-ce que ça compte !

Je résolus de quitter Berlin. Cela faisait trois semaines d’absence. J’en avais assez de leur putsch, de leurs espions, de leurs combinaisons. Et puis, pécuniairement, j’étais à bout de mon rouleau.

D’accord avec R…, nous prîmes le train pour Cologne. J’adressai à Frossard, Paris, une carte postale, sur laquelle j’écrivis ce simple mot : « Ouf ! »

De Cologne où nous passâmes deux journées, un autre train devait nous conduire au Luxembourg. Après, ça irait tout seul. Mais, muni, en tout et pour tout d’une vieille carte électorale, j’étais un peu inquiet. R… me rassura.

— Bah !… Rien de plus facile à la frontière. Tu verras, il n’y aura qu’à glisser un billet de dix francs au gabelou et il te donnera un droit d’entrée.