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se mêlait à la férocité. Je n’écrirai pas qu’il avait l’aspect d’une brute. Non. D’un lourdaud tout au plus, avec un pétillement de malice dans les paupières et une extrême agilité dans tout son corps massif. Et, avec ça, un sourire collé sur ses lèvres, un sourire qu’il ne devait quitter que pour se coucher.

Révo alla vers lui, lui dit quelques mots. Alors, il se tourna vers moi, cligna de l’œil, prononça :

— Bonchour, k’m’rade !

Et il me tendit sa large patte.

C’est ainsi que j’entrais en contact avec le grand homme.

III

Dans cette petite pièce où nous étions réunis ainsi que des conspirateurs, on n’attendait plus que lui, Bela Kun, le grand ordonnateur et metteur en scène. Très à son aise, il bavardait avec le sourire sur les lèvres, comme s’il se trouvait invité à une partie de plaisir, entre bons amis. Plusieurs fois, je le vis qui se frottait les mains, plein de joie, une lueur de satisfaction dans les yeux. Je me penchai vers Révo :

— Que se passe-t-il donc ?

— On vient de nous apporter des nouvelles de la Révolution. Tout va bien, pour commencer. En Rhénanie, les ouvriers sont tous debout… À Berlin, ça se dessine…

J’étais quelque peu abasourdi. Ainsi nous présidions à la révolution prolétarienne allemande. Demain, dans quelques jours, peut-être, les travailleurs, ayant conquis le pouvoir, seraient maîtres de leurs destinées. Le capitalisme allait se voir atteint, en plein cœur, en plein centre de l’Europe et un tel événement ne pouvait man-