Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pratiquait déjà les méthodes d’épuration et d’exclusion automatique. La vieille militante, Clara Zetkin, la même qui fit, au Congrès de Tours, une solennelle apparition, avait eu le tort de défendre Paul Lévy, de se ranger à ses côtés. La méfiance l’entourait. On ne la supportait dans les réunions clandestines que par égard à son passé. Depuis, elle s’est rattrapée et elle sert Moscou avec une obstination que ne décourage aucune tergiversation, épousant tour à tour les lignes de conduite des camarades au pouvoir. On m’a affirmé que son fils comptait parmi les employés supérieurs des Soviets ; Ainsi tout s’explique.

Je revois Clara Zetkin à Cologne, dans une petite chambre des faubourgs ouvriers, hors la ville. Elle était venue pour prendre part à un grand meeting à l’occasion de l’anniversaire de notre Commune et, dès son arrivée, fidèle à ses habitudes, elle s’était jetée au lit. Petite vieille bonne femme, au visage poupin et sympathique qu’éclairaient deux grands yeux candides, elle parlait, écrivait, dictait de son lit. Durant deux heures, elle m’entretint de la situation, critiquant sans ménagements les directeurs du parti et les camarades russes. Elle s’exprimait en un français excellent. Je dois avouer que je l’écoutais avec infiniment de respect. Elle symbolisait, à mes yeux, tout un passé de luttes glorieuses, et j’évoquais, pendant qu’elle débitait ses doléances, la mort tragique de Liebknecht, la fin pitoyable et monstrueuse de Rosa Luxembourg, assommée à coups de crosse de fusil par une soldatesque ivre de fureur.

Les purs des purs qui brillaient alors au firmament communiste avaient noms : Brandler, Stocker, Thaleymer. Je vous les présente rapidement.