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la cathédrale. Stations à la brasserie « Germania », immense, avec son orchestre monumental.

R… m’avait de nouveau abandonné, pour trois jours. Il devait venir me reprendre. J’errais dans les rues, un peu désemparé, sans autre ressource que de me rendre au siège social du parti où quelques militants s’exprimaient en un français convenable. Longues conversations. Ces communistes étaient, pour la plupart, d’anciens combattants, quelques-uns mutilés, qui avaient rapporté de leur séjour au front une haine farouche de la guerre et des guerriers. Ils m’expliquaient les dangers de l’occupation et comment les révolutionnaires en étaient les premières victimes.

— Pourquoi nous envoyer des soldats, toujours des soldats ? Nous voulons la paix et la justice. Qu’on nous laisse donc libres de régler nos histoires avec la bourgeoisie allemande au lieu d’intervenir.

— Nous avons beau prêcher la fraternité des peuples, nous efforcer d’éteindre les stupides haines nationales, vos soldats et les autres rendent nos efforts stériles.

Il y avait, dans cette amertume, un grain de patriotisme. Malgré leur haine du militarisme, ils supportaient difficilement le spectacle de ces soldats maîtres du pavé, chez eux.

Ils me confiaient encore :

— Nous n’en avons plus pour longtemps. Tout est prêt. Les pays rhénans vont se soulever. Toute la classe ouvrière suivra. Nous sommes à la veille de la révolution.

Ils me disaient les souffrances intolérables du peuple allemand. Les ouvriers étaient accablés de besogne, mal payés, mal logés, ne mangeaient pas toujours leur faim… Un matin, un jeune député communiste nous invita, R… et moi, à déjeuner. Il habitait au bout de la ville un tout modeste logement. Il nous servit de la viande