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de Belgique. Pendant la guerre, ils avaient fui les massacres, insoumis. Et, maintenant, ils allaient, ils essayaient d’aller vers la Russie, vers Moscou, au pays où les travailleurs étaient maîtres.

En attendant, sans papiers comme moi et, de plus, craignant d’être reconnus par les Français, ils roulaient dans l’anxiété.

On passa Trèves sans dommage et l’on débarqua à Coblentz.

Là, changement de train. Nous descendîmes et nous pénétrâmes dans une infâme gargote où l’on nous servit un vaste plat où la viande nageait dans un liquide épais mêlé à de la confiture et à des légumes secs, avec des morceaux de pain noir, à peu près tendres comme des cailloux. Joli début ! Enfin, sur le coup de quatre heures, R… fit son apparition. C’était le sauveur. Il connaissait le pays, parlait la langue allemande. Il nous conduisit vers le train de Cologne.

À Cologne, repas confortable auprès de la gare. Cette fois, nous fûmes comblés. Excellente côtelette de porc. Délicieux petit vin limpide du Rhin. Le mark valait alors à peu près trois sous. Une aubaine. Et jusque-là, pas d’anicroches.

Mais, au dessert, une grande discussion s’établit entre nos deux compagnons. L’un était « végétarien », l’autre « végétaliste », ce qui ne les avait empêché nullement, par dérogation spéciale, de se régaler de leur côtelette de porc. Seulement, sur le terrain des théories, ils étaient inflexibles.

Le végétarien affirmait qu’on pouvait et qu’on devait manger des œufs ; le végétaliste ripostait que l’œuf était un principe de vie et qu’on n’avait pas le droit d’y toucher : La controverse s’envenima. Le petit vin blanc et or produisit son effet.