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secrétaire du parti communiste luxembourgeois, qui se rendait lui-même à Berlin et allait me faciliter le « travail ».

J’ai appris plus tard que ce secrétaire, un jeune homme de vingt-cinq ans, très intelligent, très actif, avait pour mission, précisément, de donner tout son concours aux camarades étrangers et qu’il était grassement rétribué pour cette fonction spéciale. Nous l’appellerons R…, si vous voulez. Il a quitté le parti depuis et a disparu de la circulation et, en raison des incidents que je vais conter, il est inutile de le désigner plus clairement.

Une nuit encore à Luxembourg. Charmante ville, ma foi, très animée, pleine de lumière. Mais n’insistons pas…

Je pris le train, la matinée suivante, pour Coblentz. Ça commençait à devenir dur. Il fallait passer par Trèves, occupé par les Français. À Coblentz, c’étaient les Américains. Plus loin, à Cologne, les Anglais. Les agents de la sûreté pullulaient dans les gares. Les passeports étaient exigés par des patrouilles qui circulaient dans les trains. Berlin me semblait de plus en plus loin.

J’étais en compagnie d’un jeune camarade qui, muni de passeports bien en règle, voyageait pour son agrément. R… devait me rejoindre dans la soirée à Coblentz. En face de nous, mines renfrognées, l’air de bêtes traquées, deux hommes, pauvrement vêtus, avec des barbes de plusieurs jours. Ils ne disaient pas un mot et regardaient à chaque instant vers la porte qui donnait sur le couloir, comme s’ils s’attendaient à voir apparaître quelque silhouette menaçante…

C’étaient des Français, deux libertaires, qui venaient