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lutionnaires, allemands le salut de leurs frères de France, et d’observer… D’autre part, aucun papier d’identité. Il ne fallait pas que je fusse repéré. Mais des camarades avaient été alertés, avec mission de m’aider à passer la frontière. A Longwy, dans la matinée, je vis arriver dans une maison amie, où je m’étais rendu, un grand diable sec, très blond, les yeux rouges, l’air bon enfant, qui me dit :

— Nous prenons le tacot à midi et nous allons essayer d’entrer au Luxembourg.

Je dois dire que cette première partie du programme fut aisée à réaliser. Nous franchîmes la frontière sans le moindre heurt et nous filâmes à travers les bois jusqu’à Differdange, petite commune industrielle, hérissée d’usines, abritant de nombreux ouvriers. Une grève venait, justement, d’éclater, et les gendarmes français sillonnaient les rues, gardant les propriétés et les hautes cheminées pour la plupart éteintes.

Un camarade m’expliqua :

— Pendant la guerre, les Luxembourgeois faisaient des vœux pour la victoire de la France… Ils ne pouvaient supporter l’Allemand. Nous sommes allés au secours de Longwy, la cité voisine, la ville martyre. Nous avons recueilli les malheureux habitants, donné des sommes importantes pour aider à la reconstitution… Résultat : voyez… La France prend le parti de nos exploiteurs, emploie la force armée contre les travailleurs. Aussi a-t-elle perdu beaucoup de sympathies.

Il disait vrai. Gendarmes et soldats brutalisaient et terrorisaient cette paisible population, violant les domiciles sous prétexte de perquisition, arrêtant le pauvre bougre, au petit bonheur. La révolte grondait.

Je passai la nuit dans ce petit village et, le lendemain matin, je filai vers la capitale. Là, je devais trouver le