Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volution, de bouleversement social. Le Grand Soir s’annonçait. Pour tout dire, on marchait à fond. On n’avait pas eu encore le temps d’étudier les larbins à tout faire et les salariés de Moscou. On ne s’était pas encore aperçu que la propagande révolutionnaire offrait de confortables fromages aux plus vulgaires appétits.

Un soir, dans les bureaux de L’Humanité, Frossard, alors secrétaire général du parti, et Cachin, toujours solennel, comme un brigadier de gendarmerie constipé, me dirent, à brûle-pourpoint :

— Il faut que tu prennes le train, dès demain.

Je fis la grimace. J’ai pas mal voyagé, dans ma jeunesse vagabonde ; j’ai parcouru la France presque d’un bout à l’autre, en tournée de conférences ; mis les pieds en Espagne d’où la « guarda civica » m’a projeté sur la frontière ; en Suisse d’où l’on m’a expulsé gentiment ; en Belgique, où l’on m’a laissé paisiblement faire mes petites affaires… Mais, avec l’âge, j’ai pris l’horreur des voyages.

Je fis donc la grimace et je demandai :

— Le train… pour quoi faire ?… Et pour où ?

— Pour Berlin, dit Frossard. Il se prépare un grand mouvement révolutionnaire, un « putsch » formidable. Il est indispensable que le parti français soit représenté,

— Pas facile, ça !

— Arrange-toi… C’est un problème de débrouillage. Naturellement, pas de passeport…. Et les frontières gardées… Tu vois ça ?

Si je voyais ! Je me laissai tenter cependant. Je passai à la trésorerie du parti où l’on me remit une légère somme, et partis le lendemain pour Longwy.

Je débarquai à Longwy, à l’aube, passablement éreinté. Nulle instruction particulière. Il était simplement question de faire acte de présence, d’apporter aux révo-