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Les éléphants ont souvent des furies
De nègres saouls ; on les voit mettre à sac
Plantations et factoreries,
Foulant le corps sanglant de leur cornac.

Et puis, après tout un carnage infâme,
Ils vont avec leur trompe, à petits jets
Arroser les fleurs de la dame
Qui vient d’Europe et lit du Paul Bourget.


Chacun de ces petits poèmes était un régal. Couté signait du pseudonyme : Le Subeziot, ce qui, dans sa langue natale, signifiait « Le Siffleur. »

Et tenez, laissez-moi vous citer encore (j’abuse peut-être) une de ses meilleures productions improvisées au hasard de l’actualité. Mais, d’abord, il faut que je vous conte la genèse. Voici. On venait d’arrêter et de condamner à mort un ouvrier du nom de Liabeuf, coupable de s’être livré à une tentative d’assassinat sur des agents des mœurs. Le malheureux, quelques mois avant de commettre cet acte, s’était vu condamner injustement pour « vagabondage spécial ». C’était un honnête homme. Jusque sur les marches de l’échafaud, il protesta, criant : « Je ne suis pas un souteneur ! »

Cette affaire fit grand bruit. Gustave Hervé avait pris la défense du malheureux, ce qui lui valut quelques années supplémentaires de prison. Et le matin de l’exécution, il y eut, autour de la Santé, une formidable manifestation qui dégénéra en bataille rangée contre la police.

Or, le président Fallières, obéissant au préfet de police, Lépine, avait refusé la grâce du condamné, en dépit des interventions de tout ce que le monde intellectuel comptait d’esprits libres et généreux. Liabeuf fut décapité. C’est alors que Couté donna, pour La Barricade, ce poème intitulé : Loupillon 1910, que je recopie ici :