Cheu nous, le lend’main d’ la bataille,
On est v’nu quéri’ les farmiers…
J’avons semé queuq’s bott’lé’s d’ paille
Dans l’ cul d’ la tomb’rée à fumier ;
Et, nout’jument un coup ett’lée
J’soumm’s partis, rasant les bords
Des guérets blancs, des vign’s gelées,
Pour aller relever les morts.
Dans mon arpent des « Guérouettes »,
J’ n’avons ramassé troués :
Avec Penette…
J’ n’ avons ramassé troués ;
Deux moblots, un Bavaroués !
Troués pauv’s bougr’s su’ l’ devant des mottes,
Etint allongés tout à plat,
Comme endormis dans leu’ capote,
Par ce sapré matin d’verglas.
Ils tin’ déjà raid’s comme eun’ planche :
L’ preumier, j’avons r’trouvé son bras
— Un galon d’lain’ roug’ su’ la manche —
Dans l’ champ à Tienne ; au creux d’eun’ ra…
Quant au s’cond, il ’tait tout d’eun’ pièce,
Mais eun’ ball’ gn’avait vrillé l’front,
Et l’sang vif de sa bell’ jeunesse
Coulait par un méchant trou rond ;
C’était quand même un fameux drille
Avec un d’ces jolis musieaux
Qui font comm’ ça r’luquer les filles…
J’lons chargé dans mon tombezieau !
… L’trouésième, avec son casque à ch’nille,
Avait logé dans nout’ maison :
Il avait toute eun’ chié’ de famille
Qu’il euxpliquait en son jargon.
I’ f’sait des aguignoch’s au drôle,
Li fabriquait des subeziots,
Ou ben l’guichait su’ ses épaules…
I’ n’aura pas r’vu ses petiots !…
...............
Les jeun’s qu’avez pas vu la guerre,
Buvons un coup ! Parlons pas d’ça !