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appelions des « soirées familiales ». Cela consistait en une conférence « éducative », des chants, des poèmes… De très brillants conférenciers passèrent à la Maison du Peuple, parmi lesquels Laurent Tailhade, Charbonnel, Clovis Hugues ; de nombreux savants, artistes, écrivains. En ce temps-là, après l’affaire Dreyfus, l’on évangélisait les masses. Les intellectuels, selon la formule d’alors, « allaient au peuple ».

Dès que Couté sut de quoi il s’agissait, il accepta avec enthousiasme. Il se trouvait beaucoup plus à son aise dans ces milieux que dans les cabarets, parmi des snobs plus ou moins compréhensifs. Il tenait, d’ailleurs, certains de ses confrères en piètre estime. Il les ciblait de traits. Il prétendait qu’ils n’étaient bon qu’à composer des chansons sur l’air de « ta-ra-ta-ta… ». Et, le soir venu, il disait, avec son air fatigué et ses yeux pétillant de malice paysanne :

— Allons ! je m’en vais dans mon « taratatoire ».

Il quémandait toujours le concours des amis. Il nous suppliait de venir passer quelques instants au cabaret. Il lui fallait ça, affirmait-il, des visages amis pour lui donner du cœur et chasser le cafard.

Il connut, impasse Pers, de prodigieux succès. Il entrait de plain-pied dans la confiance populaire. Ses poèmes colorés, directs, aux images audacieuses et brutales, frappaient les imaginations, allaient au cœur des foules. Xavier Privas devait plus tard l’appeler le « Mistral de la Beauce ». Et il ajoutait :

— N’est-ce pas le sourire aux lèvres et le couplet joyeux à l’esprit que ce paysan philosophe a fustigé l’hypocrisie sociale et cinglé les vices humains ?

Ah ! les poèmes de Gaston Couté ! Si j’osais vous en révéler quelques-uns !…

Tenez, écoutez la Complainte des Ramasseux d’ Morts :