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Bientôt la célébrité du jeune poète franchit les limites montmartroises. On l’écouta sur la rive gauche. Puis il prit son bâton et s’en alla sur les routes de France.

On le revit dans sa ville natale où son père dirigeait un petit moulin. De loin en loin, il aimait à se retremper ainsi dans sa bonne cité silencieuse et morne, aux dentelles de pierre. Puis la paix formidable et lourde des champs le sollicitait. Il errait parmi les moissons dorées, les yeux remplis du rouge des coquelicots et du bleu des bleuets. Il revenait de là, avec de nouveaux poèmes, le regard clair, rajeuni, retapé et son rire joyeux éclatait en fanfare.

Puis, hélas ! comme tant d’autres, il se remettait à boire. Il buvait surtout en compagnie d’un vieux chansonnier qui fut son néfaste initiateur. Il devait en mourir, plus tard, après quelques années terribles de lassitude et d’écœurement.

J’allai le trouver, un soir, pour lui demander de participer à une soirée chantante organisée à la Maison du Peuple de Paris. Cette Maison du Peuple était une triste bicoque, au fond de l’impasse Pers, qui donne dans la rue Ramey. Elle était utilisée pour les réunions publiques, les soirées théâtrales populaires et les bals.

Nous nous installâmes à une terrasse, non sans avoir commandé deux pernods bien tassés. C’était le temps où la fée verte resplendissait, en pleine gloire. J’expliquai au poète ce que je voulais de lui.

J’étais alors « secrétaire général » (eh ! oui !) d’un « Théâtre Social » dont je parle ailleurs. Ce théâtre, composé d’amateurs et de quelques professionnels dans la débine, avait pour mission de faire connaître au peuple