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de ses plus intimes compagnons de bohème, d’idée, de combat, — parfois de misère. Je suis sûr que vous l’aimerez. On ne pouvait point ne pas l’aimer. Il y a encore, à travers les cabarets chantants de la capitale, de vieux chansonniers — j’en appelle à vous, Martini, Tosini, Aimée Morin — qui seront à la fois joyeux et émus de pouvoir l’évoquer, un soir, en lisant ces lignes hâtives.

Qu’était Gaston Couté ? Un petit paysan de la Beauce qui, un beau matin, harcelé par le démon de la poésie, prit le train pour Paris.

Son enfance s’était écoulée sur la terre, face à la terre. Il était de la glèbe et l’âme fruste du cul-terreux (celui d’avant-guerre) ne recelait, pour lui, aucun secret. Ces paysans, d’ailleurs, il devait les magnifier et les flageller, les associant aux vastes horizons que bornent, dans le lointain, les collines fleurant la lavande. Le ciel de la Beauce était dans son âme pure, et le souffle qui passe sur les vastes plaines dilatait ses poumons, — le souffle de la liberté, quelquefois, souvent même, le vent des révoltes !

Il débarqua dans la capitale, très jeune, « riche de ses seuls yeux tranquilles ». C’était l’époque où, dans les cabarets montmartrois triomphait Jehan Rictus, le poète épique de la Misère moderne. Lui venait de Meung-sur-Loire, petite ville accroupie sur les bords du fleuve où, jadis, François Villon, ancêtre de Couté, fut interné par ordre du sauvage évêque Thibaud ; où le Roman de la Rose prit son essor !… Et, de cette bourgade paisible, archaïque, toute vibrante encore d’ineffaçables remembrances, le poète sautait brusquement dans le charivari assourdissant de Montmartre.

Montmartre n’était point, cependant, aux alentours de 1900, le quartier trépidant, gorgé de bruit et de lumière, où tout ce que l’univers civilisé peut vomir de métèques