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les étoiles, quand le ciel barbouillé de suie permettait à ces lampadaires clignotants d’éclairer nos folies. C’était, ma foi, le bon temps — le temps où l’on croit tout ce qu’on dit.

Mais quelles batailles ! Les « guesdistes » s’acharnaient après moi, le collaborateur d’Hervé, la forte tête des insurrectionnels. Ils n’étaient, d’ailleurs, pas en nombre. La section, dans sa presque totalité, était gagnée à l’hervéisme, ne rêvait qu’antimilitarisme, émeutes, grèves générales, exploits de Mlle Cizaille !…

Un soir, je fus désigné comme délégué au Congrès fédéral de la Seine et, de là, au Congrès national de Toulouse. Malheureusement je n’étais pas en règle. Il fallait, si mes souvenirs sont exacts, deux années de parti pour avoir droit à un mandat, et il me manquait une quinzaine de jours. Un affreux guesdiste signala l’irrégularité à la section. Chahut. On décida de télégraphier à Toulouse, pour me rappeler. Le père Lavaud, secrétaire de la Fédération de la Seine, était très embarrassé.

— Ne t’en fais pas, lui dis-je, j’arrangerai les choses à mon retour.

Mais, revenu à Paris, je constatai que c’était beaucoup moins facile qu’il ne m’avait paru. Les camarades étaient à cheval sur les règlements. Je fus mis en accusation. Mes amis n’osaient pas me défendre. Pensez donc. Je m’étais montré indiscipliné. Terrible situation.

Je m’avisai alors d’un stratagème. J’avertis mes partisans et, le soir historique venu, j’essuyai sans broncher les mercuriales les plus dures et les plus pâteuses. Je me tenais, à mon banc, comme un coupable. Quand l’orage eut passé, je me levai :

— Camarades, dis-je, je vous propose de voter, la motion dont je vais vous donner lecture.

La motion était ainsi rédigée :