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essayèrent vainement de créer du chahut. Finalement, ils durent se taire, impuissants.

A la sortie du meeting, nous nous retrouvâmes, à quelques-uns, dans la salle du fond d’une brasserie, au coin de la place et du quai. Puis, peu à peu, avec les derniers autobus, tout ce petit monde se dispersa. Nous demeurâmes à peu près une dizaine, moins pressés, commentant les résultats de la soirée

Soudain, une rumeur sur le boulevard. Des cris. Que se passe-t-il ? Un ami pénètre, essoufflé, dans l’établissement et dit :

— Ce sont les camelots du Roy. Ils sont en bande et manifestent contre nous.

En effet. On percevait très nettement les cris : A bas Hervé !… Vive le Roi… ! Vive la France !… Nous nous regardâmes, un instant. Almereyda, soucieux, demanda :

— Combien sont-ils ?

— Deux ou trois cents, sans compter les curieux… Rien à faire.

Nous étions à peine sept ou huit. Almereyda, fiévreux. tirait sur ses courtes moustaches.

— Parbleu ! Ils ont attendu que tous nos amis aient disparu. Et ils diront demain qu’ils sont restés maîtres du pavé. On ne peut pas laisser faire ça.

Il se précipita dehors et nous suivîmes. La troupe de camelots apparaissait, à ce moment, à la hauteur de la fontaine Saint-Michel. Nous nous trouvions sur le pont, à l’entrée. Et comme la bande se rapprochait, ce fut une clameur de défi :

— A bas la guerre ! A bas la guerre ! Vive la Sociale !

Stupeur. Les camelots s’arrêtèrent net. Ils nous croyaient loin et supposaient le boulevard vide. Ils distinguaient bien notre petit nombre, mais rien ne leur prouvait que nous étions seuls, que nous n’avions pas,