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conseil dans les bureaux de La Guerre Sociale et qu’on décida d’intervenir.

Les choses changèrent alors d’aspect. Chaque soir, aux endroits désignés, dans les lieux publics où l’on savait pouvoir dégoter ces messieurs, des groupe de Jeunes Gardes descendaient, occupaient nonchalamment les tables, paraissant ne point se connaître entre eux. Surgissait une bande de camelots vociférant, chantant la Vendéenne, hurlant des « Vive le Roi ! À bas la gueuse ! » et quelqu’un se levait pour réclamer. Stupeur, puis injures, menaces et, finalement, bagarre. Et ces messieurs les camelots, ahuris, étaient brutalement vidés, jetés dehors avec force horions.

La bataille se poursuivait, parfois, dans la rue, sur le boulevard Saint-Michel. Les uns criaient : « Vive le Roi ! » Les autres ripostaient : « Vive la Révolution ! » Il faut être juste. Parmi les camelots, la plupart ne manquaient nullement de courage. Ils se défendaient comme des diables. Mais les Jeunes Gardes ne craignaient point les coups.

L’intervention de la police apportait, non sans mal, une conclusion provisoire à ces tournois qui devenaient parfois sanglants. On savait où se retrouver quelques jours après. Et, deux ou trois fois par semaine, — le samedi surtout, — ces combats homériques se renouvelaient. Les camelots, rendus plus prudents, ne manifestaient que lorsqu’ils se trouvaient en nombre et sous la conduite de leurs chefs. Les Jeunes Gardes sonnaient le ralliement de tous leurs adhérents et des sympathisants. Et alors, comme on disait, ça bardait.

Je me souviens, notamment, d’un soir — il pouvait être onze heures — où je me tenais tranquillement à la Chope de la Harpe lorsque quelques-uns des nôtres firent une irruption soudaine et véhémente :