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chaient avec aigreur de ne pas tout subordonner à « l’idéale anarchie ». Pour lui, point de chapelles, point de confessions. Il écrivait sereinement : « Il faut vivre dès aujourd’hui, dès tout de suite, et c’est en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories — même anarchistes — que nous voulons nous laisser aller toujours à nos pitiés, à nos emportements, à nos douleurs, à nos rages, à nos instincts — avec l’orgueil d’être nous-mêmes. » Théorie déconcertante, dira-t-on. D’Axa était ainsi. Il faut le prendre tel qu’il s’est affirmé. Sans plus.

Seulement, à cette belle époque, les anarchistes qui rêvaient de secouer la société bourgeoise à coup de dynamite étaient traqués, emprisonnés, guillotinés. D’Axa aurait pu crier aux magistrats et aux policiers : « Il y a mal donne ». Il n’en fit rien. On l’étiquetait anarchiste. Soit. Il se contenta de hausser les épaules.

Et ce fut une existence effroyablement mouvementée. Poursuivi, condamné, jeté dans les cachots, il s’évade, s’exile. On le prend. Il s’enfuit de nouveau. On le retrouve en Angleterre, en Italie, en Turquie, un peu partout. Cette odyssée, qu’il a contée lui-même dans son volume : De Mazas à Jérusalem, réclamerait des pages. Il est, pourtant, un écrivain qui nous l’a offerte en raccourci : Adolphe Retté, depuis tombé fâcheusement dans un bénitier[1].

« Un journal, écrit-il (il y a longtemps déjà), parut, un fouet, où des grelots tintaient en fous rires sanglotés, claqua, fouailla magistrature et législature, Hautes-Brutes des États-majors et Bas-Filous des banques, dirigeants et dirigés, marqua de rouge le derrière obscène de

  1. Adolphe Retté, lui aussi, est mort depuis que ces pages furent écrites.