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poursuivit le tribun d’une haine tenace et il ne craignait pas d’écrire des choses dans ce genre :

« Chacun le sait, Jaurès, c’est l’Allemagne ! Or, quand M. Jaurès fait du patriotisme à la Chambre, il n’y a personne dans les travées, dans les tribunes, pas un collègue, pas un journaliste, pas un huissier pour lui jeter les pommes cuites auxquelles a droit ce misérable. »

À de telles basses injures, Jaurès opposait son inaltérable sérénité. Et il poursuivait sa besogne pour la paix du monde. Comme Rappoport lui signalait un jour l’un des plus venimeux articles de Maurras, le tribun haussa les épaules :

— Cela n’a pas d’importance. M. Charles Maurras ne peut me pardonner de ne jamais le citer.

Cela avait, pourtant, beaucoup plus d’importance qu’il ne l’imaginait, puisqu’au bout de ces déclamations et de ces exhortations, on devait rencontrer l’assassinat.

Il faut bien qu’on le souligne. En dépit de leurs protestations tardives et de la « majesté de la mort » invoquée par Maurras, les gens de L’Action Française sont les responsables directs de la mort de Jaurès. Ce n’est pas en vain qu’on surexcite, qu’on chauffe, qu’on entraîne méthodiquement des partisans et qu’on les habitue à cette idée de la trahison et de la malfaisance d’un homme public. Le résultat d’une telle campagne était prévu.

Mais je reviendrai là-dessus. Je voudrais, pour l’instant, étudier le Jaurès dressé contre la guerre.

Ce Jaurès, l’une des dernières fois que je l’ai rencontré, c’était dans un petit café du quatorzième. Il revenait, en compagnie de Graziani, de faire une conférence dans