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Puis, me tapant sur l’épaule :

— Alors, vous repartez demain… Et, dites-moi, vous vous amusez là-bas… Est-ce que vous ne prendriez pas un peu de repos ?

C’était comme s’il demandait à un prisonnier s’il tenait à courir sur les routes. Un immense espoir m’envahit. Je balbutiai :

— Ma foi, s’il y avait un moyen possible.

— Je vais étudier ça… Après tout, on a fait revenir des tas de gens… Comptez sur moi.

Nous nous serrâmes la main. Je n’ai pas su si Sembat avait « étudié ça » ou s’il s’était trouvé impuissant. Mais ce que je sais, c’est que je suis revenu de là-bas après quatre années et quatre mois, un rien, un tout petit rien dans une existence d’homme.

Je devais retrouver Sembat adversaire politique, au Comité directeur surgi du Congrès de Strasbourg. Il était « reconstructeur », j’étais membre du Comité de la Troisième Internationale.

Je revois, plus tard, Sembat au Congrès de Tours. Il me semble encore l’entendre. À un moment, sa voix se fait plus sourde. Il enlève ses lorgnons et se met à les essuyer. Et l’on vit qu’il y avait des larmes dans les yeux de ce sceptique, de ce blagueur. Du reste, on pleura beaucoup au Congrès de Tours. On pleura sur l’Unité brisée. D’aucuns jugèrent que nous étions les principaux coupables, nous, les vieux socialistes, les anciens membres du Parti. C’est qu’on n’avait pas compris l’exaspération que la guerre fit naître dans nos âmes[1]. Mais je reviendrai là-dessus.

  1. Il y avait aussi l’enthousiasme provoqué par la Révolution russe alors dans toute sa splendeur. On marchait à fond. Depuis les méthodes des communistes nous ont quelque peu dégoûtés.