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Coulisses et tréteaux

baient du vin rouge, ils le rendaient avec leur rouge sang. Par malheur, on en usa tout autrement avec les engagés volontaires étrangers.

Un sergent surprit deux hommes occupés à se ravitailler en liquide. Notez que ce brave homme était en train lui-même de faire ripaille avec quelques-uns de ses égaux et semblables. Il appela le corps de garde, fit arrêter les deux « indisciplinés », qui avaient nom : Koronof et Kask. Le premier eut le tort de protester. Puis, deux autres, Kirueff et Alphaud se mêlèrent de la dispute. Tout cela nécessita l’intervention du commandant qui, immédiatement et sans vouloir entrer dans les détails, fit ligoter les quatre hommes, plus un cinquième, Adamtchousky, qui avait hésité au moment de malmener ses camarades.

Alors, ce fut une scène abominable. Le sergent dont j’ai parlé — il se nommait Barras — sauta sur l’un des hommes liés et se mit à le frapper avec violence. Un lieutenant — Sandré — tomba sur eux à grands coups de pied. Il fallut que le commandant de la compagnie fit délier les malheureux, qu’on conduisit chez le toubib.

On voit, d’ici, l’état d’esprit des volontaires déjà ulcérés. Quand on leur commanda de monter en ligne, ils réclamèrent des officiers français, s’imaginant qu’ils seraient mieux traités. On ne les écouta pas, on les arrêta au nombre de vingt-sept. On les enferma dans la cave dont j’ai dit un mot déjà. Et une cour martiale fut aussitôt constituée. Elle dura à peu près deux heures. Nous étions deux ou trois, cachés dans les salles à côté et écoutant, voyant même par des ouvertures faites exprès. Le commandant du 43e régiment d’Infanterie présidait ce tribunal. Un capitaine fut chargé du réquisitoire. Quant aux accusés, impossible de dire un seul mot. Le com-