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Coulisses et tréteaux

— Oui, à propos du drame de Pévy.

— Je sais… je sais. Eh bien, venez me trouver demain matin… Nous en parlerons.

— Vous trouver… Où ça ?

— Mais… au ministère.

J’eus une grimace. Sembat se mit à rire.

— C’est que, expliquai-je, je m’en vais après-demain. Ma permission est terminée.. Et je ne voudrais pas poireauter encore comme je viens de le faire.

— Vous serez reçu immédiatement. Vous n’aurez qu’à dire votre nom.

Le lendemain, un sapeur du génie de deuxième classe, revêtu d’une capote de couleur indéfinissable, se présentait au boulevard Saint-Germain et réclamait le ministre des Travaux Publics.

— Entrez, entrez donc, me cria le ministre, dès qu’un huissier m’eût introduit, que diable ! on ne va pas vous manger !

Je ne craignais pas d’être mangé, mais c’était peut-être la troisième ou quatrième fois que le hasard me conduisait dans le cabinet d’un ministre. Manque d’habitude. Ainsi les pauvres types qui s’embarquent sur un mauvais voilier sans avoir le pied marin. Et puis, j’étais dans la capote du « poilu ». Il n’y avait rien comme un poilu pour paraître timide devant un civil. Le poilu n’était plus à la page ; il ne savait plus ; il n’était pas loin de se considérer comme un « frère inférieur ».

Passons. Je débitai donc mon histoire à Sembat. Oh ! c’était bien simple. Une abominable exécution de volontaires étrangers.

C’était en juin 1915. Je me trouvais alors, près de Reims, dans une compagnie du 7e génie. Le 18 juin, au soir, l’on apprit qu’une sorte de rébellion avait éclaté au 2e Étranger qui cantonnait à quelques pas de nous.