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scrupules à tel point qu’il en devenait, disons le mot, fatigant.

Le bon Louis Matha, qui, avant d’administrer Le Journal du Peuple, de Sébastien Faure, puis Le Libertaire, fut gérant de d’Axa, à L’En-Dehors, aimait à me raconter comment le terrible polémiste accourait, à deux heures du matin, à l’imprimerie, faisait remonter les formes, bouleversait tout, pour changer un mot, modifier une expression, supprimer une répétition. Il était la terreur des typos. Et, son numéro paru, il entrait dans de folles colères, parce qu’on avait négligé une virgule.

J’ai pu, moi-même, éprouver les effets de cette redoutable manie du scrupule littéraire. Je me trouvais sur une plage normande, à Carolles, où j’écrivais une étude sur Zo d’Axa, étude à laquelle je fais, aujourd’hui, de larges emprunts. Un matin — il pouvait être six heures — on m’annonce une visite. C’était d’Axa. Il était arrivé la veille, et comme il a toujours eu l’horreur des chambres d’hôtel, il s’était enveloppé dans sa couverture et endormi dans une salle de la gare. Il me dit, tout de go :

— J’ai appris que vous écriviez quelque chose sur L’En-Dehors. Voulez-vous me montrer ça ? »

Je déférai à son désir. Je lui soumis l’étude que j’avais entreprise sur sa vie et son œuvre. Il hochait la tête, avec bienveillance. Mais, de loin en loin :

— Mon cher ami, ne croyez-vous pas que ce mot… ?

Ou bien :

— Mon cher ami, ne pensez-vous pas que cette incidente… ?

Si bien que si je l’avais écouté, je crois que j’aurais recommencé mon papier d’un bout à l’autre. Je tins bon et ne lui fis que de rares concessions.

— Voyons, lui dis-je, il s’agit d’une étude sur Zo